Le forfait jour à la française est contraire à la Charte sociale Européenne 
(article de Jean-Jacques REGIBIER publié dans l'Humanité)

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LE CONSEIL DE L'EUROPE CONDAMNE LA VIOLATION DE LA CHARTE DES DROITS SOCIAUX PAR LA FRANCE !

Attaqué devant le Comité européen des droits sociaux par la CGT et la CFE-CGC, la dernière version du forfait jour contenue dans la loi El Khomry viole à 5 reprises la charte européenne des droits sociaux dont la France est signataire. Régulièrement condamné depuis sa première version en janvier 2 000 dans la loi « Aubry 2 », le régime du forfait jour vient à nouveau de subir les foudres du Comité européen des droits sociaux, l’institution du Conseil de l’Europe chargée de la mise en œuvre de la Charte sociale européenne.

Cette spécialité française qu’aucun autre pays européen n’a adoptée dans son droit du travail, contrevient en effet à trois articles fondamentaux de la Charte, ce qu’aucun des différents gouvernements qui ont trituré la loi depuis 20 ans n’ignore, puisque la France est régulièrement condamnée par les instances européennes ou par l’OTI (Organisation internationale du travail) pour non respect des normes fondamentales en matière de code du travail.

« Ce qui est scandaleux, c’est que le gouvernement dit aux salariés que pour faire respecter leurs droits, il faut qu’ils aillent individuellement devant la justice. Donc il laisse dans le code du travail un dispositif en sachant très bien que le recours des salariés pour le paiement d’heures supplémentaires est faible, et qu’ils ne le font que quand ils sont en contentieux global avec leur employeur et qu’il y a déjà rupture de leur contrat de travail », explique Sophie Binet, la co-secrétaire générale de l’Union CGT des cadres.
Si le salarié en forfait jour doit en effet travailler un certain nombre de jours dans l’année (au maximum 218), il n’est pas soumis au respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail. Or ce régime du forfait jours sans décompte horaire est contradictoire avec la réglementation en matière de temps de travail, puisqu’il n’y a plus de garantie de respect des durées maximum de repos et travail, ni de garantie que la rémunération soit liée au temps de travail.
La réglementation européenne prévoit en effet des durées maximales de travail hebdomadaire et des durées minimales de repos. Elle prévoit également que la rémunération est liée au temps de travail et que les astreintes ne peuvent pas être assimilées à du temps de repos, autre principe dont le Comité juge qu’il n’est pas respecté dans la loi El Khomry de 2016.
« C’est une victoire qui confirme ce que nous disons depuis des années, à savoir que ce régime de forfait jour ne peut pas subsister tel quel, et qu’il faut garantir à tous les salariés quel que soit leur niveau de responsabilité le respect des durées maximum de travail et de durée minimum de repos, qui est un droit à la déconnection. Il faut donc mettre en place un décompte horaire pour l’ensemble des salariés a priori ou a postériori », commente Sophie Binet.
La décision du Comité européen des droits sociaux est particulièrement importante pour les cadres dont 50%, soit environ 2 millions de salariés, travaillent actuellement sous le régime du forfait jour.
A la CGT, on rappelle que la Cour de Cassation et différentes juridictions, comme l’a noté le Comité européen dans sa décision, ne cessent d’annuler des accords de branche ou des accords d’entreprise, entrainant un grand nombre d’actions devant les prud’hommes pour faire annuler des conventions de forfait jour et obtenir des rappels d’heures supplémentaires.
En 2018, la cour d’appel de Toulouse avait ainsi condamné Altran à verser un total de 10 millions d’euros à 300 ingénieurs pour non paiement sur 3 ans d’heures supplémentaires liées au régime du forfait jour.
Pour la CGT, la décision du Conseil de l’Europe va aider les juridictions à prendre des décisions dans le même sens, et aussi, insiste Sophie Binet « à rappeler que le forfait jour tel qu’il est prévu dans le droit français, est toujours totalement contradictoire avec la réglementation européenne en matière de droit du travail ».
Jean-Jacques Régibier Article publié dans l'Humanité
Publié dans Libertés Démocratie, Politique nationale, Europe
le 6 décembre 2021

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